Alzheimer pour l’avenir et pour le présent

Un plan de recherche pour l’avenir mais une nécessaire formation des soignants pour le présent.

À partir de ses expériences sur le terrain, Naomi FEIL, psychosociologue germano américaine, a mis au point une méthode d’accompagnement et de restauration de la communication avec les personnes très âgées désorientées.

Remarquable humaniste, elle développe dans ses livres et au cours de ses conférences, une méthode qu’elle a appelée « la Validation® », pour l’accompagnement de ces malades. Elle y a intégré le fruit de ses réflexions concernant les relations souvent difficiles pour ceux qui – soignants ou personnes de la famille – sont le plus souvent déstabilisés et malheureux de les voir ainsi diminués.

Depuis l’élection du Président Sarkozy, nous entendons enfin parler avec satisfaction d’un Plan de Recherche pour l’obtention d’un remède, vaccin ou médicament, capable d’endiguer la progression très importante de la maladie d’Alzheimer et des maladies assimilées. Mais certaines projections indiquent que la France va devoir gérer, d’ici 2020, plus d’un million de personnes atteintes par cette dégénérescence, alors qu’aujourd’hui nous sommes déjà complètement submergés par les quelques 860.000 malades.

C’est donc ici et maintenant qu’il est nécessaire d’apporter de l’aide à ceux qui les entourent. Car c’est ici et maintenant que se pose le problème de l’adaptation à leur comportement et de l’adoption des techniques à faire découvrir aux soignants pour accompagner plus dignement et plus efficacement les patients.

Malheureusement, quand un problème de société de cette ampleur se pose à notre pays, il est souvent remis à plus tard, compte tenu du budget à trouver pour y faire face. Or, par chance, dans ce cas précis, la formation ne pose nul problème de dépense supplémentaire.

En effet le budget est disponible – bien que souvent non, ou mal utilisé – dans toutes les institutions pour les soins aux personnes âgées, puisqu’il s’agit du pourcentage de la masse salariale destiné à mettre à niveau le personnel.

Quant aux familles, peu nombreuses aujourd’hui, qui assument seules la charge et le suivi de leurs malades, il suffirait de leur accorder les mêmes remises d’impôt que celles consenties pour les dons aux oeuvres des organismes humanitaires, pour leur permettre d’accéder à l’apprentissage de ces techniques.

En complément naturel du Plan de Recherche sur la maladie d’Alzheimer lancé par le Gouvernement, il est donc aujourd’hui devenu vital et urgent de promouvoir les actions de formation indispensables pour redonner, aux soignants comme aux patients, une qualité de vie souvent perdue par les uns comme par les autres. Et c’est bien ce que proposent avec succès, depuis plusieurs années maintenant, les formateurs enseignant les techniques de la Validation®.

Cette formation –pragmatique, empathique, si évidente et si bénéfique- est reconnue comme très efficace, aussi bien par les soignants eux mêmes que par les membres des familles de malades qui en ont bénéficié. Mais il faut l’apprendre et la comprendre -ce qui, certes, demande des efforts – avant de la mettre en application.

Chacun garde en mémoire les spectaculaires détériorations mentales survenues dans son propre entourage, chez des sujets de toutes catégories sociales et même chez des esprits dont l’intelligence était pourtant exceptionnelle. La presse nous informe souvent du drame qui frappe telle actrice célèbre ou tel grand journaliste.

Car la maladie d’Alzheimer touche qui elle veut. Elle est partout présente, et la recherche ne peut rien, hélas, pour ceux chez qui elle est déjà installée aujourd’hui.

Nul n’est à l’abris, ni les vieux qui nous sont chers, ni nous mêmes. C’est la première raison pour laquelle la mise en place de formations spécifiques pour le personnel soignant nous regarde tous. En effet, aussi haut que nous soyons arrivés : vous qui lisez ces lignes, moi qui les écrit, ou cet autre qui est aujourd’hui au zénith de son intelligence, chacun de nous peut, un jour ou l’autre, décliner jusqu’à devenir ce grand malade incohérent qui risque peu à peu de ne plus être traité comme un être humain, mais comme un sous-homme, un sous enfant au maillot voire, pis encore, « une plante verte »! (Sur ce sujet, lire de Françoise Laborde : « Ma mère n’est pas un philodendron ».)

Apporter une meilleure qualité de vie professionnelle aux soignants des grands malades est la seconde raison qui doit nous inciter à leur assurer une formation complémentaire. Car la maltraitance qu’il faut évidemment bannir et punir, n’en existe pas moins, probable monstrueuse conséquence de l’épuisement des soignants, déstabilisés par leurs malades. Or, l’aide pratique qu’on leur apporte est insignifiante, alors qu’ils sont si démunis et ignorent presque tous l’existence de techniques adaptées, simples et efficaces. (Lire « On tue les vieux », chez Fayard, de Dominique Prédali).

Grâce à la restauration d’une communication verbale ou tactile, certains malades, retrouvent enfin, au soir de leur existence, une dignité et une qualité de vie plus acceptable et paisible, sans contention, voire sans « camisole » chimique. Cette troisième raison aussi, rend indispensable une formation des soignants.

Notre société a et aura besoin d’encore plus de soignants en gérontologie, alors qu’ils sont si difficiles à trouver – à tous les niveaux de responsabilité – compte tenu de l’image peu valorisée de la profession. C’est la quatrième raison qui rend nécessaire la mise en place généralisée d’une formation qualifiante aux techniques d’accompagnement.

Nous sommes tous consternés quand un jeune enseignant encore inexpérimenté est envoyé dans un établissement scolaire réputé difficile.

Alors, pourquoi le serions-nous moins, devant cette autre aberrante « exception française » qui consiste à charger une personne – peu ou pas qualifiée professionnellement – de l’accompagnement de patients nombreux, âgés et désorientés, sans lui avoir fait suivre une sérieuse formation spécifique?

Plus que jamais, nos responsables, tant politiques qu’administratifs et médicaux, devraient, tous les matins en se levant, réfléchir aux propos d’Amadou Hampaté Bâ, qui écrit : « La qualité d’une société se reconnaît à la façon dont elle traite ses vieux. » (On tue les vieux, page 267, lignes de conclusion).

Face au déferlement exponentiel de la maladie d’Alzheimer, la Recherche est indispensable. Le Gouvernement agit en ce domaine mais la formation à un accompagnement, humaniste et respectueux de ceux qui en sont atteints est tout aussi indispensable.

Pourquoi est-il si peu fait sur cette seconde partie du problème, alors qu’il existe chez nous des professionnels de qualité – isolés et encore trop peu nombreux – qui agissent depuis des années en ce sens, sans soutien des Pouvoirs Publics ?

Oui, nous devons, en France, réagir d’urgence en ce domaine, à l’instar d’autres pays industrialisés, et valoriser enfin par une formation spécifique, efficace et qualifiante, une activité qui risque de devenir très vite, sans cela, le talon d’Achille et la honte de notre Société tout entière.

Janvier 2009
J. Roux-Brioude
Inquiet pour l’avenir de ses semblables et aussi pour le sien