Symposium de Strasbourg : témoignage de Fred Pougeard

De Mémoire de Conteur

Un mot sur « être conteur », avant d’entrer dans le vif de mon sujet.

Le conteur, c’est un personnage peu connu. On sait ce qu’est un comédien, un artiste de cirque, un danseur, pour rester dans les catégories du spectacle vivant. Mais en général, un conteur, ça ne dit rien. On me dit « Ah, vous faites des lectures de contes pour les enfants » et je réponds que je ne lis pas mais que je raconte, sans apprendre par cœur, des récits que j’ai assimilés, qui vont des contes traditionnels aux nouvelles et récits contemporains de vie ; je réponds également que les contes, les récits, n’ont jamais, au cours du temps, été réservés aux enfants, mais que nous vivons dans une société qui l’a un peu…oublié.

C’est pour réparer cet oubli que, dans l’après 68, des hommes et des femmes ont eu le souhait de redonner ses lettres de noblesse à une parole dévalorisée, celle de la littérature orale comme on s’est mis à l’appeler. Dévalorisée parce qu’assimilée à une expression d’une ruralité que dans l’après-guerre on reniait (c’était l’arrivée dans les villes, un exode rural massif) ou à des racontars de grand-mère tout juste bon à endormir les enfants. Les néo-conteurs ont souhaité aussi que cette expression artistique sorte du carcan des institutions culturelles, regardées alors comme l’émanation d’une culture bourgeoise et dominante ; que cette parole artistique circule dans des lieux non dédiés au spectacle, qu’elle soit tout terrain, des zones rurales aux usines, de la rue à …l’hôpital, par exemple. Naturellement, les conteurs sont devenus aussi des collecteurs, comme l’étaient les ethnologues qui ont sauvé dans bien des régions le patrimoine oral et qui ont fourni au conteur, une partie de leur matière d’aujourd’hui.

« Redonner ses lettres de noblesses à une parole dévalorisée ». Vous sentez peut-être que cela fait écho, ici, aujourd’hui.

Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai écrit le texte d’un spectacle intitulé 007A, sous titré Voyage au pays de l’oubli. L’écriture de ce texte s’appuyait sur une courte expérience de collecte de paroles de personnes souffrant d’une maladie de type Alzheimer. Ces personnes étaient à un stade relativement avancé de la maladie. Cette collecte s’est effectuée dans un EHPAD de Reims et plus spécifiquement au CHATOD (Centre d’Hébergement et d’Activités Thérapeutiques et Occupationnelles pour personnes Désorientées). Elle a été l’une des sources d’inspiration mais non la seule, de l’écriture du récit…